« Voilà, je viens de finir mon logo, vous en pensez quoi les amis ? »
Cette petite phrase que vous venez de poster sur LinkedIn et qui accompagne votre nouveau logo, que vous venez de faire vous-même avec les moyens du bord…
STOOOOOOP !!!!!
Lâchez votre crayon ou votre souris, fermez immédiatement PowerPoint ou Canva, car il y a de fortes chances que vous soyez sur le point de faire une très très GROSSE bêtise 😱
Cela fait maintenant de nombreuses années que je donne un visage à l’image de Marque de clients très variés. J’ai créé des tas de logos, mais aussi une multitude de plaquettes, dépliants, flyers, brochures, cartes de visite, goodies ; j’ai conçu des dizaines de catalogues, d’annonces-presse, de sites internet… J’ai même créé des illustrations sous forme de petits carrés pour le Minitel, juste avant l’apparition du web.
Plus de vingt ans d’expérience, pendant lesquels j’ai pu comprendre les véritables tenants et aboutissants de ce métier !
Un graphiste n’est pas là uniquement pour mettre de la couleur partout et laisser exprimer sa créativité débordante. Non, c’est un ingénieur, un professionnel expérimenté, qui est là pour appliquer des techniques picturales et visuelles, maîtriser l’espace et les règles du graphisme, pour créer un message minutieusement adapté aux besoins de son client.
Avant de vous laisser continuer et poursuivre sur votre lancée, je vous propose une vue d’ensemble du processus de création d’un logo. Loin de moi l’idée de vous obliger à me contacter sur le champ, mon but est surtout, et avant tout, de vous donner un kit de démarrage suffisamment exhaustif, qui vous permettra, je l’espère, d’éviter ce genre de truc…
Exemple d’un logo raté pour l’université Fédérale de Santa Catarina au Brésil.
L’importance du logo
Le logo est souvent la première chose que vos clients verront de vous. C’est l’empreinte qui habillera vos supports de communication, votre vitrine, votre produit – L’image qui accompagnera vos textes et vos paroles et l’élément différenciateur qui dira à votre clientèle « voici qui je suis, voici mes valeurs », le tout en un laps de temps incroyablement court, donc mieux vaut ne pas se louper !
Pour toutes ces raisons, la démarche de création de logo ne s’improvise pas. Imaginez-la comme une gestation, comme le résultat d’une réflexion profonde sur vous et ce que vous voulez faire, qui commence bien en amont des premiers croquis. Ne négligez pas cette préparation, qui fera office de terreau fertile pour toutes vos autres actions de communication. Il est plus simple de s’exprimer quand on sait qui on est vraiment. Il est encore plus génial de pouvoir s’appuyer sur des outils de communication qui véhiculent tout cela.
Exprimer les bonnes valeurs
Un logo doit refléter deux aspects essentiels : il doit transpirer la personnalité de l’entreprise, du projet, et parler au type de clients que vous ciblez. Sans avoir mis à plat ces deux objectifs, peu de chance d’arriver à un résultat concluant. Posez-vous deux questions essentielles :
Quel est le message que je souhaite faire passer ?
Ce message peut se traduire par des valeurs, des qualités, des compétences…Quelle est l’audience que je souhaite toucher ?
Qui sont vos clients, vos lecteurs, vos contributeurs ? De quels milieux viennent-ils ? Quel est leur niveau culturel ? À quoi sont-ils sensibles ?
Travaillez sur vos valeurs. Définissez votre positionnement. Listez vos qualités. Faites ressortir les éléments qui vous différencient de vos concurrents (et, au passage, allez jeter un œil sur ce qu’ils font). Détectez où se trouvent vos clients : sur un réseau social particulier ? Sur les forums spécialisés ? Ailleurs que sur Internet ? Chaque paramètre va conditionner la manière dont vous allez prendre la parole visuellement. Votre logo ne sera pas le même si vous vous adressez à des professionnels ou à des particuliers, si vous mettez en avant votre sérieux ou votre singularité. Définissez leurs portraits types. Pour cela, il existe des exercices efficaces :
• Réalisez le portrait chinois de votre entreprise ou projet,
• Créez des personas de vos clients,
• Lancez-vous dans la rédaction d’un brief créatif,
• Essayez de définir votre culture d’entreprise.
Vous allez peut-être penser : « Tout ça pour faire un logo ? Foutaise ! ». Que votre projet soit minuscule ou de grande envergure, votre objectif est que ça fonctionne, non ? Alors tout ce travail de définition est loin d’être perdu, il prépare le terrain, indispensable pour la suite…
Donner un visage à votre projet
Paul Rand, un célèbre graphiste américain, a dit : « Design is the method of putting form and content together » (le design, c’est la manière de combiner forme et contenu).
Votre contenu : vos valeurs, votre cible, et la liste des messages qui leur est destiné. Maintenant, le défi consiste à leur donner une forme, à les traduire dans un langage visuel qui exprimera les bonnes connotations. Commençons par un rappel des principales bases du design : la forme, la couleur, la texture, l’espacement, l’harmonie, les proportions, le contraste…
Chaque jour, nous sommes exposés à 247 messages publicitaires en moyenne, la plupart n’arrivant pas consciemment jusqu’à nous. De quoi forger malgré nous notre culture visuelle. Nous connaissons tellement de logos qu’il est difficile d’en faire abstraction une fois la phase de conception venue. Que vous partiez sur un logo épuré, ou une composition plus complexe avec un pictogramme, du texte et plusieurs couleurs, commencez par faire quelque chose de simple !
La typographie
Dans 99% des cas, votre logo comportera du texte : un sigle, des mots, un slogan. La typographie à elle seule permet d’exprimer de très fortes connotations : d’ailleurs, certains logos que vous connaissez sûrement reposent presque uniquement sur la typographie :
Chacune des polices véhicule des connotations différentes : sérieuse, familière, technologiques, intime, recherchée… Tout autant de déclinaisons que vous allez pouvoir utiliser pour exprimer vos valeurs.
Pour choisir une typographie, je n’ai pas de formule magique à vous divulguer (je ne vais pas non plus vous révéler tous les secrets de mon beau métier), mais quelques règles s’imposent. L’une d’entre elles est la li-si-bi-li-té. Votre logotype devra respecter des critères de simplicité et de concision visuelle : il doit être déclinable, simplifiable, imprimable sur une variété de supports, reconnaissable et passable en noir et blanc. Gardez en tête que votre logo va être ‘martyrisé’. Imaginez-le tout petit, grossièrement imprimé sur un stylo publicitaire en une seule couleur… Le logo doit réussir la prouesse de rendre aussi bien sur une affiche quatre par trois que sur une surface minuscule comme un pin’s. Effrayant, non ? Et oui ! Cela implique de sélectionner minutieusement la police de caractères. Un cours complet de typographie serait trop long, en attendant, voici un cours express, par le spécialiste en typographie David Rault.
Quelle que soit la police que vous sélectionnerez, n’oubliez pas un détail important : certaines informations doivent être lisibles immédiatement (Nom, Prénom, e-mail, téléphone, site internet…). Réservez-leur une police simple et solide. Ainsi pour vos textes, évitez d’utiliser la même police de caractères que celle de votre logo, toujours pour préserver la lisibilité. Vous avez déjà ouvert le journal Le Monde ? Figurez-vous qu’à l’intérieur, aucun texte n’est en caractères gothiques. Quelques outils pour aller plus loin :
- le répertoire des Google Fonts, utilisables également en ligne. Se cachent parmi cette vaste collection de sublimes polices,
- le site myfonts.com vous permettra de vous ruiner en petites merveilles,
- en manque d’inspiration ? L’excellent blog Brand New liste les récentes refontes de logo.
Les couleurs
Vous avez forcément vu passer des tonnes de choses sur la symbolique des couleurs : rouge énergique, bleu relaxant, rose angélique. Vous allez devoir y passer, et choisir les couleurs que portera votre logo.
Quelques exemples : le noir est très utilisé dans l’univers du rock, mais aussi dans celui du luxe. Il ajoute une classe folle à certains sites internet et met en valeur le portfolio des photographes. Dans le mauvais contexte, il fera passer tristesse et lourdeur. Le vert est la couleur de la nature, du développement durable et de la santé, mais attention à bien l’utiliser !
Voici un vert brillant et printanier, qui ferait presque passer
cette boutique de jeux vidéo pour une… parapharmacie.
Prudence cependant, les couleurs subissent l’influence de la mode. D’autres associations de couleurs sont, quant à elles, datées. Le vert tendre associé au marron étaient en vogue au début des années 2000, mais le couple est beaucoup moins tendance depuis qu’il a envahi les linéaires des supermarchés de province.
Encore une fois, liez en permanence votre travail à vos recherches initiales : vous vous lancez dans les robes de mariées, vous ciblez le marché chinois, et vous misez tout sur le blanc, virginal et radieux ? Raté : en Chine, le blanc évoque le deuil et la tristesse, et c’est plutôt le rouge qui égaie les mariages.
Quand vous aurez sélectionné vos couleurs (rarement plus de 2), posez-vous la question de leur combinaison. Le contraste des couleurs doit être minutieusement étudié : du texte rouge sur fond noir, par exemple, ne crée pas un contraste suffisant pour être lisible. Une forme jaune sur un fond blanc ne sera pas perçue correctement non plus.
Pour éviter tout désagrément, il convient de travailler d’abord en noir sur blanc, et de procéder à la sélection des couleurs ensuite. Testez la lisibilité et la luminosité des couleurs, et confrontez les combinaisons. Quelques outils pour aller plus loin :
- Faites un rapide tour de la théorie des couleurs avec Code Couleur,
- Vérifiez le contraste de vos associations de couleurs avec Colour Contrast Analyser
- En manque d’inspiration ? Colourlovers peut vous donner pleins d’idées.
Pictogrammes, icônes et symboles
Il est séduisant d’accompagner son logo d’un élément graphique qui accélère l’identification et renforce les valeurs. De nombreuses marques l’ont tellement bien fait qu’avec le temps, leur symbole parle de lui-même.
Mais attention : un pictogramme n’est pas un logo. Une illustration non plus. Une photographie encore moins. Un élément trop complexe desservira votre logo et ralentira son identification, je ne parle même pas des possibilités de déclinaison ! Impossible à intégrer à une affiche, résultats catastrophiques à l’impression… Fuyez les dégradés, les contours trop fins, les couleurs trop nombreuses, les formes trop abstraites.
Méfiez-vous enfin des formes cachées : l’exemple choisi est volontairement sage, mais si vous laissez Google vous guider parmi les “logo fails”, certains exemples sont gratinés.
Vu à l’envers, le logo de nos TGV ressemble à s’y méprendre à un… escargot. C’est balot !
Attention aux fausses idées !!!
Vous avez dévoré le début de cet article, mis à plat vos valeurs et construit votre discours. Des idées de logo sont là. Vous avez même une bonne petite esquisse qui, entre nous, tient plutôt bien la route. Pourquoi ne pas terminer ce que vous aviez initié au tout début de notre histoire, et demander deux, trois avis dans votre entourage ? ATTENTION !!! Vous avez besoin de savoir quelques trucs avant.
Imaginons que vous ayez un beau-frère menuisier, et ce beau-frère vient de terminer le plan d’une charpente de maison. Il vous demande votre avis. Je suis prête à parier que votre réponse sera celle-ci : “euh, je ne suis pas sûr de pouvoir t’aider, ce n’est pas mon métier”. Remplacez maintenant “menuisier” par “ingénieur informaticien”, “architecte”, “opticien” ou dans notre cas « graphiste ».
Pour juger de la qualité d’un logo, les critères de “beauté” ne valent rien. Il faut l’évaluer avec des critères techniques. Un logo fonctionne quand il est adapté à une stratégie et à une cible. Par exemple, vous trouvez le logo Gifi plutôt moche ? C’est sûrement parce qu’il ne vous parle pas. Pourtant, du point de vue du marketing, son apparence est totalement justifiée, et même plutôt réussie !
Malheureusement, peu de personnes à part un graphiste ou une personne du métier, sont à même de dire si votre logo fonctionne bien. D’une part, parce que votre entourage ne fait peut-être pas partie de votre cible. Dans ce cas, ils n’ont pas la même culture, n’ont pas forcément besoin de votre produit, et donc ne seront pas touchés par votre discours. D’autre part, ils auront souvent du mal à mettre de côté leurs goûts personnels. Êtes-vous prêts pour les remarques acerbes du type « oh non, j’ai horreur du vert ! », ou bien “bof, la typo est pas un peu trop simple ?”, sans parler des “ah c’est marrant, moi j’aurais mis…” ?
Si vous souhaitez tout de même laisser vos proches juger votre logo ou identité visuelle, je vous conseille de les aider à avoir les mêmes critères que vous. Aidez-les à critiquer en des termes neutres, demandez-leur de se mettre à la place de vos clients, invitez-les à mettre de côté leur implication émotionnelle et leur goût personnel.
Pour vous dire toute la vérité, il existe Une technique secrète où vos proches peuvent se révéler utiles. Elle est connue pour ses excellents résultats dès qu’il s’agit de découvrir le sens caché d’un logo. Prévoyez : votre logo, quelques amis et quelques bonnes bouteilles (à consommer avec modération bien sûr), et laissez la magie opérer… Le test des amis éméchés est super efficace 😉
Des marques se sont elles aussi risquées à cet exercice dangereux qu’est l’ouverture aux commentaires. Le système s’est rarement révélé efficace. Souvenez-vous de la polémique Gap : la marque avait proposé son nouveau logo à l’appréciation de sa gentille audience Facebook. Le verdict fut sans appel. À tel point que Gap a rétabli son ancien logo illico. Plus récemment, Marissa Mayer, PDG de Yahoo, a eu toutes les peines du monde à justifier la refonte du logo de l’entreprise.
Le meilleur critique de votre logo, c’est tout d’abord vous. Demandez conseil à des gens du métier, et prenez avec philosophie et pondération les retours de votre entourage.
Et un logo tout prêt, me direz-vous ?
Les sites qui vous permettent de choisir votre logo sur catalogue, ou pire encore, de recevoir des propositions de logos faits par trente graphistes qui ne connaissent RIEN de votre entreprise, et qui ne seront pas payés ? Ha ha ha… Franchement, vous voulez essayer ?
Certes, les tarifs sont très compétitifs, et cela peut être tentant : mais ces plateformes sont loin de rémunérer à leur juste valeur les auteurs, tout en tirant vers le bas les méthodes de création. Les graphistes qui travailleront pour vous dans ces conditions ne pourront se permettre qu’une seule chose : produire du contenu en masse, sans valeur ajoutée et sans aucun intérêt pour votre projet.
En bref…
Je pourrais continuer encore longtemps, et revenir sur d’autres techniques picturales, vous montrer des centaines de superbes logos, critiquer les ratés, vous lister d’autres vérités, vous donner plein d’astuces de pro… Mais maintenant, c’est à vous de jouer…
Je terminerais par un dernier conseil : gardez en tête que votre logo va vous servir à capter l’attention des gens qui vous intéressent. Il est donc primordial qu’il vous plaise et que vous vous reconnaissiez en lui. Mais il ne doit pas plaire qu’à vous ! Pensez encore et toujours à votre cible et vos clients, projetez-vous dans leurs têtes, et tentez de comprendre ce qui les pousserait à faire appel à vous.
Et si tout ceci vous semble un peu trop complexe,
alors n’hésitez pas à me faire signe 😉
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Lectures complémentaires…
La petite histoire de mon Logo
Pourquoi un logo au format vectoriel